Les guerres dans le monde musulman
L’essentiel des 1,6 milliard de musulmans dans le monde (82 %) se concentre en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Asie-Pacifique. Parmi ces trois régions, la dernière arrive largement en tête (62 %, soit plus d’un milliard de musulmans), contre seulement 20 % (320 millions) pour les deux dernières. Il est intéressant de rappeler ces proportions, car vu d’Europe, le monde musulman se limite souvent au monde arabe, souvent pour des raisons historiques (colonisation) et géopolitiques (ressources naturelles).
En Asie, c’est l’Indonésie qui héberge la plus grande communauté musulmane du monde (plus de 200 millions), laquelle représente d’ailleurs près de 90 % de la population du pays. Le cas de l’Inde est intéressant à souligner : si ce pays abrite une des plus grandes communautés musulmanes du monde (180 millions), cette dernière reste minoritaire (14 %) dans un pays peuplé à 80 % d’hindous.
Rapport de force démographique entre chiites et sunnites au Moyen-Orient
À l’échelle du monde musulman, les Sunnites sont très largement majoritaires au sein de l’Islam. Ainsi, au Moyen-Orient, la plupart des pays de la région sont composés de musulmans sunnites. Quatre pays font exception : l’Iran, l’Irak, le Bahreïn et l’Azerbaïdjan.
Cette situation démographique explique, en partie, l’influence des États sunnites au Moyen-Orient, dont l’unité a été cimentée par la lutte contre Israël au sein de la Ligue arabe. Mais depuis plusieurs années, le rapport de force entre Chiites et Sunnites s’inverse dans la région en faveur des premiers. En effet, la chute de Saddam Hussein en 2003 a fait tomber le dernier rempart qui empêchait l’Iran chiite d’y pénétrer et depuis, la République islamique a su manœuvrer très habilement pour y étendre son influence.
D’abord, en s’alliant avec le Hezbollah, la milice chiite libanaise, ce qui lui a permis d’ incarner le rôle d’Adversaire contre Israël, une cause encore très fédératrice dans la région et que personne n’occupait depuis – au moins – la fin du régime de Saddam en 2003. Ensuite, en s’appuyant sur les communautés chiites de l’ensemble des pays, ce qui a permis l’émergence d’un « arc chiite » qui part du Yémen et va jusqu’au Liban. Enfin, en profitant des nombreuses déstabilisations politiques dans le monde arabe à la suite du « printemps arabe », lequel a principalement touché des États sunnites arabes (Tunisie, Lybie, Égypte, pays du golfe).
À l’heure actuelle, toutes les conditions sont réunies pour que l’Iran, État chiite et non arabe, renforce son influence au sein de ce Moyen-Orient arabe et sunnite.
Un monde musulman morcelé en proie aux radicalismes
Le monde musulman n’est pas un ensemble homogène. L’Islam se divise en effet en deux branches principales (Sunnisme et Chiisme) plus une troisième (Ibadisme), et les deux premières se subdivisent en différents courant qui, parfois, sont en conflit.
La cartographie de ces communautés religieuses révèle trois principaux phénomènes : d’abord, qu’un Etat peut héberger plusieurs courants sunnites (c’est le cas de l’Egypte ou de la Turquie), ainsi qu’une ou plusieurs communautés chiites (c’est le cas de l’Arabie saoudite). Ensuite, que la géographie des communautés religieuses ne se borne pas aux frontières politiques des Etats. Enfin, que les Jafari d’Arabie saoudite, issus du même courant chiite que les iraniens, irakiens et koweïtiens, se situent le long du golfe persique, là où se trouve l’essentiel des réserves pétrolières du pays ; cela pourrait représenter un risque non négligeable pour l’Arabie saoudite.
Au sein de ce monde musulman morcelé, il existe de nombreux conflits où l’on constate la présence de salafistes, des radicaux islamistes. C’est le cas en Afrique (combattants d’AQMI – Al-Qaida au Maghreb Islamique), en Egypte (Frères musulmans) ou encore dans l’actuelle guerre civile syrienne.
Or, le Salafisme s’inspire du hanbalisme, une branche de l’Islam sunnite dont les adeptes se concentrent essentiellement en Arabie saoudite et au Qatar. Cela n’est pas sans conséquences sur les liens entre ces deux pays et les combattants salafistes dans la plupart des conflits en cours.
Au début des années 2000 déjà, dans le cadre de la guerre en Afghanistan, le soutien financier de l’Arabie saoudite au Pakistan avait permis le développement du Hanbalisme dans ce pays, ce qui a permis l’émergence des Talibans.