Le Maghreb et son Nord
Le rapprochement institutionnel de l’Europe avec le Maghreb commence en 1990, avec la création du « Dialogue 5 + 5 ». Il se poursuit en 1995 avec le processus de Barcelone (Euromed) qui élargit considérablement les frontières du partenariat puisque désormais, tous les pays de l’UE et tous les États qui bordent la Méditerranée en font partie. L’Union pour la Méditerranée lancée en 2008 vise à relancer le processus de Barcelone pour renforcer la coopération entre tous les pays.
Tensions diplomatiques et enjeux économiques
Il existe cependant de nombreux intérêts divergeants au sein des pays de l’UE, notamment entre la France et l’Allemagne, et du monde arabe, entre le Maghreb et le Mashreq, pour permettre un dialogue efficace entre tous les pays membres. À cela s’ajoute l’existence de conflits géopolitiques particulièrement sensibles à l’intérieur de cet espace (conflit israélo-palestinien, Sahara Occidental, division de Chypre).
Néanmoins, d’un point du vue strictement économique, le Maghreb reste une zone commerciale stratégique pour l’UE puisque la majorité des exportations et des importations du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie se fait à destination ou provient des pays européens. De même, sur le plan énergétique, l’Algérie fournit à elle seule environ 15% des besoins en gaz naturel de l’UE. Elle est donc un partenaire essentiel.
Le Maghreb, une interface stratégique pour la France
La France et les pays du Maghreb partagent une importante communauté d’intérêts dont les racines plongent loin dans l’histoire. Mais aujourd’hui, cette communauté est renouvelée à l’aune des défis que doivent affronter les deux rives de la Méditerranée. Ce sont bien entendu les enjeux économiques : à la crise qui touche l’Europe s’oppose le dynamisme d’un Maghreb où fleurissent les dispositifs favorisant les délocalisations, à l’image des zones franches où les industries françaises du textile et de l’automobile se sont installées. Au-delà de la production, la présence notable des entreprises françaises dans la région est quant à elle un signe de son attractivité.
Mais cette présence, qui se fonde largement sur les PME, est surtout la marque d’un véritable trait d’union entre la France et le sud de la Méditerranée occidentale, entretenu par une proximité culturelle et linguistique indéniable. La coopération déborde donc largement des questions économiques pour s’ancrer dans un vécu commun que le dynamisme des accords universitaires et scientifiques permet d’envisager sous l’angle d’une proximité intellectuelle.
Les défis sécuritaires qu’affrontent les pays du Sahel constituent également un important vecteur de coopération avec le Maghreb. Celui-ci constitue, de par sa position géographique, un important point d’appui pour les interventions françaises dans la région : lors de l’intervention française au Mali par exemple, le concours des autorités marocaines et algériennes entraînée à combattre des groupes mobiles dans des zones peu habitées a pu être utile dans la lutte contre AQMI et les groupes affiliés, dont la zone d’influence traverse les frontières méridionales du Maghreb.
Les dynamiques de développement françaises et allemandes
La France dispose d’un statut particulier en Afrique du nord. L’histoire coloniale française l’a en effet liée au Maghreb durant des décennies. Ceci explique qu’aujourd’hui encore, une partie non négligeable de ces populations parlent le français. En outre, la France est aujourd’hui le premier fournisseur de l’Algérie et de la Tunisie (le second pour le Maroc), et le premier client de la Tunisie et du Maroc (le quatrième pour l’Algérie).
Pour toutes ces raisons, et d’autres encore (voir carte II), la Maghreb constitue donc la sphère d’influence de la France. C’est précisément pour cela que les grands projets d’intégration des pays du pourtour méditerranéen, et notamment l’UpM, ont été portés par la France (voir carte I). Mais le cadre européen est-il le plus adapté pour les ambitions françaises ?
Pour des raisons historiques et culturelles, les pays d’Europe centrale et orientale constituent la sphère d’influence de l’Allemagne. Leur présence sur le continent européen a justifié leur intégration au sein de l’UE, facilitant considérablement leurs relations avec l’Allemagne (libre-échange, libre-circulation, etc.).
L’Allemagne peut ainsi profiter de tous les mécanismes d’intégration qu’offre l’UE pour renforcer sa dynamique de développement à l’est, laquelle a déjà été amorcée au début des années 1990 avec la création du Conseil des Etats de la Mer Baltique. Ce n’est pas le cas de la France, dont les perspectives se situent au sud de l’Europe, sur le continent africain, ce qui empêche de lier aussi efficacement le Maghreb à la France, à l’instar de l’Allemagne et l’Europe de l’est.