La Coupe du monde de football 2018 : un événement géopolitique

Le foot est le sport le plus populaire et le plus universel et, à ce titre, fait souvent l’objet d’instrumentalisation et de propagande politiques. La Coupe du monde de football, regardée par plusieurs milliards d’individus à travers la planète, constitue donc naturellement un événement où se cristallisent un certain nombre d’enjeux sportifs et politiques.

La Coupe du monde de football, une compétition mondiale ?

Depuis sa création en 1930 jusqu’en 2014, la Coupe du monde a été disputé par 73 États – mais 76 équipes puisque l’Angleterre, l’Écosse, l’Irlande et le Pays de Galles concourent séparément. Cela représente seulement 37% des 197 États aujourd’hui reconnus par l’ONU, dont près de la moitié se concentre en Europe et en Amérique du sud. Quant à l’Afrique, au Moyen-Orient et l’Asie, si l’on ne s’intéresse qu’aux équipes ayant déjà participé à une demi-finale, ne restent que celles de la Turquie et de la Corée du Sud.

Si la Coupe du Monde est a priori ouverte à tous, il y a donc bien un poids inégal des continents dans cet événement sportif. Le poids culturel de ce sport, l’argent qui y est consacré dans les différents pays expliquent notamment cette différence. La carte des finalistes et des champions ne fait que confirmer ce constat : les grandes nations du football se situent en Amérique du Sud et en Europe.

Cela est d’autant plus vérifiable lorsque l’on s’intéresse aux organisateurs passés et futurs du Mondial : de 1930 à 2022, 18 pays ont accueilli ou accueilleront 23 fois la coupe, qui n’a eu lieu qu’une fois en Amérique du nord (1994), une fois en Asie* (2002), une fois en Afrique (2010), et aura lieu une fois au Moyen-Orient (2022). Elle n’a jamais eu lieu en Océanie.

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Le Mondial 2018 et les tensions internationales avec la Russie

Sur les 31 qualifiés de la coupe du monde 2018 (hors l’organisateur), 14 ont au moins un contentieux avec la Russie : 12 pays européens, l’Australie et le Japon. Il s’agit là de pays qui se sont élevés contre l’action russe en Ukraine et en Crimée et ont adopté des sanctions à l’égard de la Russie. 10 d’entre eux, dont la France, ont également sanctionné la Russie dans le cadre de l’affaire Skripal par le renvoi de diplomates russes.

Toutefois, trois seulement ont choisi de prendre des mesures spécifiquement liées à la Coupe du monde 2018. Le Royaume-Uni, directement concerné par l’empoisonnement de l’ancien agent russe Sergueï Skripal et de sa fille, a décidé de ne pas envoyer de délégation diplomatique en Russie à l’occasion de cet événement. L’Islande, qui n’avait pas encore sanctionné Moscou pour cette affaire, a décidé de faire de même par soutien pour son allié britannique. Enfin, le président polonais Andrzej Duda a annoncé fin mars qu’il ne représenterait pas lui-même son pays à la Coupe du monde, faisant donc le choix d’un boycott partiel.

Ainsi, malgré les exhortations de la FIFA à ne pas instrumentaliser le Mondial de football pour des considérations politiques, l’association n’est pas en mesure de convaincre et de séparer les enjeux sportifs des enjeux diplomatiques, dans la mesure où chaque équipe représente un pays, et où les matchs ont bel et bien lieu sur le territoire national d’un État.

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Enfin, il est intéressant de s’arrêter sur la localisation des stades choisis par la Russie pour accueillir les matchs de la Coupe du monde. Ainsi l’on remarque que trois d’entre eux se situent dans des zones de tension entre la Russie et ses voisins : à Kaliningrad, entre les pays baltes et la Pologne ; à Rostov-sur-le-Don, près de l’Ukraine ; et à Sotchi, à proximité de la Géorgie. Si c’est là une bonne occasion pour la Russie d’affirmer sa détermination dans les affaires qui l’opposent à ses voisins, il ne faut cependant pas perdre de vue le fait que ces trois villes accueillent parmi les plus grands stades du pays.

Note : sont mis de côté les États aujourd’hui éclatés que sont la Serbie-Monténégro, la Tchécoslovaquie, et la Yougoslavie. Le palmarès des Allemagne de l’Est et de l’Ouest est mis sur le compte de la République fédérale d’Allemagne. Le palmarès de l’URSS est mis sur le compte de la Russie.

* Nous incluons la Russie en Europe, et non pas en Asie.